Ceux qui connaissent le style de l’ancien président Nicéphore Dieudonné Soglo savent bien que le communiqué actuellement sur sa page Facebook n’émane pas de lui. Le vieux a une signature caractéristique que certains de ses proches tentent d’imiter. Cette fois-ci, c’est raté. Mais la cause pour laquelle ce faux communiqué a été publié est bien réelle : la libération des détenus dits politiques. Communiqué, conférence de presse ou proposition de loi, quelle est l’efficacité réelle de ces actions engagées par l’opposition pour faire plier le gouvernement ?
Se poser cette question, c’est aboutir à une réponse imparable : zéro. Le parti Les Démocrates a proposé en effet une loi d’amnistie en faveur de ces détenus. Une loi d’amnistie ? La première et seule fois que notre pays a connu une telle initiative, c’était lors de la conférence nationale de février 1990. Ce que le parti demande, c’est que les députés annulent la condamnation prononcée contre lesdits détenus. Annuler, c’est-à-dire leur accorder une espèce de virginité qui leur permettrait de recouvrer tous les droits civiques. C’est d’ailleurs pour cela que Reckya Madougou et Joël Aïvo ont toujours refusé de demander une grâce présidentielle : tôt ou tard, ils entendent faire valoir leur droit d’être candidat à une élection présidentielle au Bénin. Une grâce présidentielle conserve les condamnations, tandis qu’une amnistie les annule et les fait disparaître comme n’ayant jamais existées. Alors question : à quoi s’attend réellement le parti en se lançant dans une telle initiative en ce moment précis ? Il est vrai, Eric Houndété avait promis aux électeurs Démocrates qu’il ferait tout pour faire libérer les détenus dits politiques. Mais là, cette première initiative a de fortes chances de n’aller nulle part. Les députés sont actuellement en vacance parlementaire pour reprendre à partir du 12 avril prochain. Mais là n’est pas le problème. Le véritable problème, c’est que le parti n’a pas de majorité au sein de la commission des lois. Cela implique que le président de cette commission a tout le loisir de ne pas examiner cette proposition, ou de ne la faire examiner qu’au moment qui lui semblerait opportun. Quand bien même ils auraient réussi la prouesse de la faire inscrire à l’ordre du jour de la prochaine session, il faut encore que la loi soit votée. Et à ce niveau, le parti Les Démocrates n’a aucune chance de faire voter sa loi d’amnistie. Il n’a aucune majorité.
Il n’y a pas 36 solutions face à cette impasse : c’est la négociation. Passer par les coups de force du genre de ce que le pseudo-communiqué du président Soglo annonce, n’est qu’un leurre. Patrice Talon a déjà donné la preuve qu’il n’est pas homme à céder face à ce genre de pression.
D’ailleurs, si l’on se situe sur un terrain purement politique, il n’a aucun intérêt à libérer Réckya Madougou et Joël Aïvo. Il opposera toujours la séparation des pouvoirs, entre le judiciaire et l’exécutif. On sait bien quelles pressions les juges ont reçues pour en arriver à des condamnations aussi dénuées de fondements. Mais l’on sait aussi que si le gouvernement en venait à faire libérer ces détenus sans passer par le parlement, il aurait clairement admis avoir exercé des pressions sur les juges pour en arriver à ces condamnations. Ne nous leurrons pas, Talon n’ira jamais à cette solution. Passer par une amnistie ? Il y a longtemps que je couvre l’actualité politique au Bénin. Je peux vous assurer qu’une bonne partie des acteurs même de l’opposition ont intérêt à ce que certains détenus dits politiques ne jouissent pas de leurs droits civiques de si tôt. Ne soyons pas dupes. L’arrivée de ces détenus sur le marché électoral va bousculer la donne au sein de l’opposition. Ceux qui profitent de leurs absences pour se positionner pour 2026 sont connus. Ceux qui ont peur que leur leadership une fois sortis de prison, soit un handicap à leur propre ascension, sont aussi connus. Et dans tous les cas, l’absence de manifestations de rue conduites par l’opposition, rassure le pouvoir Talon. Ces gens ne feront plus des manifestations du genre de celles de 2019 ou 2021.
Mais alors, il faut espérer que les démarches que Boni Yayi promet faire, portent leurs fruits. Sinon, une loi d’amnistie, c’est zéro devant l’actuelle majorité.
Olivier ALLOCHEME