Le constat est on ne peut plus clair, les injustices que subissent les femmes prennent de l’ampleur. Pour lutter contre certains comportements généralement observés chez les hommes, des campagnes qui découragent les Violences Basées sur le Genre et les Violences Faites aux Femmes ont vu le jour sur l’ensemble du territoire national.
Pour réussir à guérir le mal, il faut aller à la racine. Il est donc important de parler avec les hommes et leur inculquer les valeurs de la masculinité positive. Une fois que ce pari serait gagné, le reste passera comme une lettre à la poste.
QU’EST-CE QUE LA MASCULINITÉ POSITIVE ET COMMENT EST-ELLE PERÇUE PAR LES HOMMES AU BÉNIN ?
Roméo CHABI-DAMA nous permet de mieux cerner tous les contours de cette pratique à travers ce travail enrichissant que nous vous invitons à lire :
Le Bénin est l’un des pays de l’Afrique de l’Ouest, qui s’étend sur une superficie de 114 763 Km² et a « une population de 14 millions 219.908 habitants(2023 est, https://www.cia.gov/the-world-factbook/contries/benin/) ». On y retrouve différents groupes socioculturels avec une structuration sociale basée sur le patriarcat. Cette structuration est à la base des inégalités sociales qui s’observent entre les hommes et les femmes. Au Bénin, « l’Enquête Démographique et de Santé (EDS) 2017-2018 a révélé que plus du quart (27%) des femmes de 15-49 ans avaient subi des actes de violence physique depuis l’âge de 15 ans (République du Bénin, 2018) ».
Aujourd’hui, plusieurs organismes sur les plans mondial, continental et régional, œuvrent en faveur des droits humains, de l’égalité des droits des chances entre l’homme et la femme. Ils offrent leur appui aux pays à travers des politiques et programmes visant à réduire les inégalités et les violences basées sur le genre. Au nombre de ces violences figurent les violences faites aux femmes et aux jeunes filles.
Pour éradiquer ce phénomène, plusieurs concepts ont été développés parmi lesquels « la masculinité positive » dont l’objectif est de réduire les Violences Basées sur le Genre (VBG), notamment sur les femmes et les jeunes filles, de maintenir des relations égalitaires ainsi que le respect mutuel entre l’homme et la femme. De même, « De nombreuses rencontres et déclarations patronnées par les Nations Unies ont fait ressortir la nécessité d’impliquer les hommes et les garçons dans la recherche de l’égalité de genre… ». Ainsi est-il nécessaire d’explorer le thème pour mieux comprendre la perception des hommes de ce que signifie la masculinité positive.
En dépit de l’attention internationale et des programmes ciblant les hommes dans le cadre de réduire les inégalités et les violences à l’endroit des Femmes et des jeunes filles, des analyses montrent qu’ils restent beaucoup à faire.
La masculinité positive reste une nouvelle approche qui promeut la non-violence et une attitude masculine saine, l’inculquer aux hommes dès le cours primaire, même à la maternelle en ce qu’il est nécessaire dès le bas âge de montrer aux tous petits garçons que les petites filles sont leurs égales, qu’ils ont même considération.
Cette éducation à la base aura nécessairement un impact très positif dans la société d’aujourd’hui et demain.
Les efforts pour que les hommes s’acquièrent cette approche et pour s’engager nécessite des stratégies. C’est pourquoi, il urge de promouvoir le concept de masculinité positive afin d’atteindre favorablement l’objectif visé. Bien que des statistiques fiables pour quantifier ou qualifier les hommes dans cette approche ne soient pas disponibles, il est important de souligner que la masculinité positive suscite actuellement un débat animé sur les réseaux sociaux, offrant ainsi une porte d’entrée significative pour aborder ce sujet.
La masculinité se définit en fonction d’un point de vue social et culturel, revêt ainsi un caractère relatif à la société dans laquelle il est pensé. Dans le dictionnaire Larousse, la masculinité est un ensemble de comportements considérés comme caractéristiques du sexe masculin.
Elle peut être définie comme la manière ou la façon dont l’homme s’identifie en société, elle fait référence aux traits, comportements et caractéristiques traditionnellement liés ou associés aux hommes.
« La masculinité de manière générale est décrite en termes de force, de puissance, de domination et de jouissance. La culture de la violence y est intériorisée, cultivée, reproduite et pérennisée par des processus socioculturels… ». (2019, le Conseil Oecuménique des Églises guide sur les Féminités et les Masculinités congolaises).
Certaines études portant sur la masculinité la définissent comme : « ce que les hommes sont supposés être , c’est-à-dire comme les caractéristiques corporelles, tels que les comportements et manières de penser que l’on attend d’un individu assigné homme dans l’espace social.. ». (R. W. Connell, Masculinities, Los Angeles, University of California Press, 2005, 324 p).
La masculinité est construite par les hommes, elle évolue de façon permanente et peut se transformer. Elle montre un rude parti-pris pour l’homme considéré comme supérieur à la femme.
C’est ainsi depuis lors, les sociétés patriarcats ont incarné une position dominante des hommes et une subordination des femmes. Elles ont concentré le pouvoir décisionnel dans les mains de l’homme. Cette pratique ancrée dans les comportements et attitudes des hommes n’est pas sans inconvénient sur l’évolution de notre société. Les violences faites aux femmes et aux jeunes filles sont récurrentes. Les droits humains sont bafoués parce que l’homme se croit super puissant.
Cependant, la masculinité positive constitue un facteur ou mécanisme pour lutter contre les comportements et pratiques discriminatoires qui gangrènent le milieu social, notamment éducatif.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) la définit comme étant l’ensemble des caractéristiques ou comportements dépourvus de violences basées sur le genre, principalement à l’égard des femmes. Pour La Fondation Graines de Paix, la masculinité positive est une manière de se visualiser et de se comporter qui s’appuie sur l’ensemble des qualités associées à la masculinité traditionnelle (la force, le courage, la détermination, la persévérance, l’intelligence), tout en délaissant ses aspects négatifs, comme l’agressivité, la domination et la violence, dont les femmes et les filles en sont le plus souvent victimes.
Par ailleurs, la masculinité positive peut être aussi définie comme un ensemble de comportements ou caractères propres aux hommes dénués de violence, notamment envers la femme et visant à faire disparaître les inégalités entre homme et femme.
Cette nouvelle approche vise à réduire et faire disparaître ces comportements construits dans la mentalité des hommes au sein de notre société depuis la petite enfance. Il est question de déconstruire, voire de rééduquer les hommes.
Ainsi dans un contexte si traditionnel, n’est-il pas une chose complexe et compliquée ; puisque ces attitudes et comportements des hommes découlent d’us et coutumes anciennes? Cette approche ne vient-elle pas positionner l’homme au second rang ? N’est-ce pas une manière de désorganiser nos sociétés ? Quel but cache-t-elle ? Cette approche ne conduirait-elle pas à une gynécocratie ?
Cette panoplie d’interrogations nous permettra de comprendre la perception des hommes sur la masculinité positive.
Pour certains hommes, « la masculinité positive ne cadre pas avec les réalités de la société dans laquelle nous vivons ; elle est contraire à la tradition, au contexte africain » où nous avons des sociétés féodales où le chef de famille est l’homme.
Au cours des échanges, on entend souvent dire que : « l’homme ne peut pas changer le statut que lui confère la société dans laquelle il est. Ce statut fait de lui le Chef de famille et lui concède tout le pouvoir ». Ces idées sont acquises par naissance, où nous avons des chefferies, des royautés, où le pouvoir se transmet de père en fils et non le contraire. Les hommes en majorité ne se voient pas agir dans le sens de voir les femmes, les filles comme des êtres humains égaux. Ils expliquent que beaucoup de femmes se cachent derrière les concepts « égalité genre », pour manquer de respect à leur conjoint et in fine le divorce qui fait légion. Certains hommes posent des questions au cours des rencontres, à savoir : « comment nous envisageons la société de demain lorsque ces théories seront appliquées par tous? ». D’autres insinuent que : « la femme doit être libre mais doit aussi savoir que c’est l’homme le chef ». D’autres se demandent « si l’ordre de la nature ne sera pas bouleversé avec ces théories de reconsidérer les femmes dans nos sociétés, car la femme ne sera jamais égale à l’homme pour eux ». Pourtant, le regard de supériorité à l’endroit de la femme et de la jeune fille n’est pas sans conséquence car elles sont victimes. N’est-ce pas dans ce cadre que le Dr Lucien Manga, déclare : « Pour lutter contre l’inégalité et les préjugés à l’égard des femmes dans la vie quotidienne, il est nécessaire de redéfinir la masculinité et de faire prendre conscience de ce à quoi peut ressembler un homme fort sur le lieu de travail ou dans la communauté». Nous croyons que l’homme peut être supérieur par essence, fort, mais doit reconnaîtrait que la femme est son égal et mérite toutes les attentions.
L’impact de la masculinité positive sur la société d’aujourd’hui et de demain.
Aujourd’hui la masculinité positive offre une nouvelle vision des normes genrées. Cette approche reconnaît que les hommes peuvent donner de nouvelles significations au fait d’être homme.
Selon cette approche les hommes peuvent aider à cuisiner, peuvent s’engager pleinement dans l’éducation des enfants, peuvent emmener les enfants à l’école, peuvent prendre soin de la famille, peuvent exprimer leurs sentiments (tout cela ne va pas à l’encontre de la masculinité), l’homme peut demander de l’aide, demander des conseils à la femme, il peut reconnaître ses faiblesses et s’améliorer.
Elle impacterait positivement la société, puisqu’elle montre parfaitement que l’homme peut bien se libérer de ces préjugés, de ses conceptions, qui sont les causes de violence sur la femme et la jeune fille. Cependant, le problème se pose même pas dans certaines familles où les hommes, dès le cours primaire vont au marché comme les jeunes filles et viennent du retour du marché faire la cuisine sur la demande de leur mère. Ce sont des cas qui existent, peut être que ces cas sont rares.
L’idée n’est pas de donner une hégémonie à la femme, loin de cela, mais cette approche créera un environnement favorable, un monde égalitaire entre l’homme et la femme, un monde où les deux se complètent. De surcroît, tout ceci est pour le bien-être de l’homme lui-même.
Dans la société patriarcat, on a inculqué à l’homme que c’est lui qui doit faire ceci ou cela, il doit être fort ou virile. Ces stéréotypes traditionnels affectent le bien être des hommes et de ceux qui les entourent. Dans cette même société la femme est placée au second rang. Or le rôle que joue la femme n’est plus à démontrer. Elle est une source de paix, de sécurité, d’amour et d’équilibre pour l’homme. Et même dans les cas des conflits extrêmes, elle reste indispensable, par exemple : « La résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité qui a été adoptée à l’unanimité le 31 octobre 2000 par le Conseil de sécurité des Nations unies » aborde la question des femmes, démontre non seulement le rôle qu’elle peut jouer mais vient réaffirmer son importance.
Cette approche vient déconstruire les masculinités toxiques chez l’homme afin de lui garantir un aspect de liberté et lui permet de voir la femme comme partenaire, égaux.
La masculinité positive apporterait un changement de mentalité chez l’homme, mais aussi un changement individuel de sa personne, un changement relationnel dans son milieu privé qu’est la famille et dans la société en générale. De même, elle suscite des questionnements sur les normes socio-culturelles en vue de nouvelles réflexions dans le but de favoriser une plus grande harmonie entre homme et femme.
La masculinité positive motiverait la majorité silencieuse des hommes, qui s’opposent aux pratiques et aux comportements préjudiciables, à s’exprimer et agir pour faire disparaître la violence contre les femmes et les filles.
La masculinité positive peut aussi être source de résolution des conflits car l’adoption de comportements masculins sains permettrait un partenariat positif et solidaire entre l’homme et la femme.
Comment promouvoir cette nouvelle approche ?
Rappelons que la masculinité positive se concentre sur la promotion d’une vision saine et équilibrée des comportements masculins.
Pour ainsi promouvoir cette approche, il faut initier des ateliers sur le thème, par exemple, organiser des tournois de football, après une mi-temps parler de la masculinité aux cibles, ou les weekends, aller dans les espaces ou les gens se réunissent pour les activités sportives, échanger avec eux sur le concept. Créer les groupes de discussion sur la masculinité positive avec les femmes et les hommes. Organiser les rencontres avec des couples sur la sensibilisation de la masculinité positive. Organiser les émissions radio en langues locales sur la masculinité positive. Organiser les séances de sensibilisation sur le thème dans les Collèges et les Universités et même dans les églises et les lieux de culte traditionnel. Démontrer les avantages de la masculinité positive pour les hommes eux-mêmes. Montrer que les hommes sont les premières cibles dans la transformation des rapports entre homme-femme, jeune fille. Il est aussi important de l’introduire dans nos programmes scolaires, dès la maternelle, l’école primaire, l’école secondaire et à l’université. Ce qui va créer des hommes de qualités, respectant la femme dans la vie sociale.
En travaillant avec les hommes, ils comprendront que ce n’est pas une approche imposée ou discriminatoire à leur égard, ils se sentiront impliquer et à l’aise.
Construire les programmes et politiques pour déconstruire la masculinité dominante et toxique.
Par exemple on entend dire souvent, un vrai homme est dur et sait prendre des risques, un vrai homme ne pleure pas, un vrai homme doit parfois utiliser de la violence, un vrai homme gagne beaucoup d’argent, un vrai homme doit impressionner les femmes, un vrai homme sait dominer les femmes, un vrai homme supporte l’alcool, un vrai homme ne fait pas de travail de femme, un vrai homme a beaucoup de femmes… etc. Ces normes stéréotypées ont des conséquences négatives sur l’homme et sur la société dans son ensemble.
Par exemple, un homme qui subit la pression due aux responsabilités financières peut aller commettre un forfait (voler, faire un prêt qui peut le pousser au suicide, devenir alcoolique ou drogué), un homme qui est moins proche de ses enfants, reçoit moins d’affection d’eux que la femme, un homme qui porte toutes les charges de la femme risque d’avoir des problèmes de santé, de suicide…
Face aux normes traditionnelles, la masculinité positive doit être largement diffusée afin de sensibiliser un maximum d’hommes et de jeunes. De plus, il faut prendre des mesures incitatives afin que chaque bénéficiaire de cette approche devienne un modèle pour le reste de ses proches.
De surcroît, il faut faire comprendre aux femmes que la promotion de la masculinité positive ne peut pas se faire sans l’implication des hommes. Cependant, les acteurs impliqués dans cette démarche doivent réaliser des programme d’éducation, des programmes pour l’école à la base, au primaire, au secondaire et dans le supérieur ou à l’université.
Dans ce processus de rendre plus viable ce concept, il est important de garder à l’esprit que la masculinité positive n’est pas possible sans l’implication effective des hommes, notamment des gouvernements. Ils sont acteurs, donc il faut travailler avec eux pour qu’ils fassent partie de la solution. On peut comprendre donc que c’est ensemble que cette sensibilisation portera, cette éducation portera.
En définitive, pour atteindre un monde épanoui où les femmes et les hommes sont égaux, il est nécessaire de travailler sur la construction de la masculinité dans toutes ses formes en impliquant toutes les parties prenantes, hommes et femmes, pour créer un changement significatif. La promotion de la masculinité positive à travers l’Etat, les ONGs, la Société Civile, permet d’offrir aux hommes une nouvelle manière d’être homme, fait réduire les violences faites aux femmes et aux jeunes filles, permet de promouvoir l’égalité de genre. Les ONGs, les Organisations de la Société Civile (OSC) sont à féliciter pour leur engagement et à accompagner pour que cette approche puisse faire avancer la lutte des droits des femmes et du bien-être des hommes car il s’agit d’une réciprocité et comme l’a spéculé le Président Paul Kagamé: « quand les femmes gagnent, tout le monde gagne et personne ne perd ». En somme, il est important de savoir que cette nouvelle thématique façonne l’homme, le rend plus heureux.
Roméo CHABI-DAMA, Administrateur de Projets et Expert Approche Genre.
damaromeo90@gmail.com
La rédaction.