Je ne vois toujours pas comment la base militaire française du Niger pourrait être maintenue. L’ambiance électrique créée par les manifestations antifrançaises de ces deux derniers jours, ne laisse pas d’autre option à l’Elysée. La logique de l’affrontement choisie par la présidence française contre les putschistes de Niamey, a été savamment exploitée par ceux-ci. Ils ont déchainé les foules sur la base militaire française de Niamey depuis quelques jours. Et si j’étais à leur place, je ne relâcherais jamais la pression jusqu’à ce que Paris cède. Hier encore, les foules étaient autour de la base. Et si le scénario catastrophe que je prévois se réalise, elles briseront tout bientôt pour faire irruption à l’intérieur. Imaginez ce qui se passerait. Imaginez le carnage. Imaginez surtout les réactions partout en Afrique et dans le monde.
La France a perdu le Sahel. Elle tient à y maintenir sa présence militaire, signe de son influence géostratégique, pour consolider les positions de ses entreprises dans la région. Mais les événements actuels dépassent toutes les prévisions. Les nouveaux régimes qui s’installent sont résolument antifrançais et le resteront tant que Paris arborera une posture d’infantilisation des Africains. Je veux me faire plus clair. Les putschs militaires, en dehors de ceux du Gabon et de Guinée, vont contribuer à fragiliser davantage des Etats déjà fragiles. Les militaires qui montent dans les salons présidentiels en délaissant le front, font partie du problème sécuritaire que nous déplorons. Si je ne prends que l’exemple du Burkina-Faso, il est clair que l’avènement d’Ibrahim Traoré n’a en rien entrainé le recul des terroristes. En dehors de la communication populiste qui se déploie, l’armée burkinabè et ses supplétifs, ne sont pas plus efficaces aujourd’hui qu’hier, lorsqu’il y avait Rock Marc Christian Kaboré. Ibrahim Traoré a beau se positionner en nouveau Sankara, ses hommes se font quotidiennement massacrerpar les terroristes. Tous les jours, la terreur djihadistes sévit sur les routes, dans les villes et les campagnes burkinabè. Il en sera de même au Niger, si les militaires ne règlent pas vite les problèmes créés par leur irruption sur la scène politique pour se consacrer au défi sécuritaire.
Cela dit, les positions sont en train de bouger. L’Union Européenne a clairement demandé à la CEDEAO qu’elle soutient, de privilégier la solution diplomatique. L’Union Africaine aussi. Le président en exercice de la CEDEAO, Bola Ahmed Tinubu, a lui aussi laissé entendre que personne ne veut d’une intervention militaire. Et comme je l’ai déjà dit, la haute hiérarchie militaire lui a fait savoir par des voies détournées, qu’elle lui fera un coup d’Etat s’il tente la solution belliqueuse voulue par Macron. Du coup, la France se retrouve isolée sur la scène, en défendant le non-sens absolu d’une intervention militaire.
L’épidémie des coups d’Etat en Afrique francophone constitue un nouveau défi pour les chefs d’Etats. Au Togo, au Cameroun et au Rwanda, les mises à la retraite d’office et les redéploiements des hauts gradés observés la semaine dernière, ne règlent le problème que de façon partielle. Le danger ne vient plus des casernes, mais des palais présidentiels. C’est-à-dire des proches parmi les plus proches. Dans ces conditions, suivre de façon moutonnière l’option militaire prônée par la France, c’est préparer tôt ou tard l’avènement d’un putschiste dont l’alibi est tout trouvé. Regardez la manifestation monstre de Niamey samedi. Ce sont des dizaines de milliers de protestataires qui en veulent à la France. Leur déferlement quotidien basculera bientôt une fermeté aveugle de Paris qui se comporte en gendarme de l’Afrique.
Emmanuel Macron se comporte actuellement comme la grenouille qui veut péter plus haut que l’éléphant. Nous ne sommes plus au temps du pré-carré français, l’époque où tous les coups tordus étaient permis contre des masses africaines craintives,timorées et non informées. Les jeunesses africaines sont désormais informées et prêtes à l’affrontement. Vous verrez ce qui se passera dans quelques jours à Niamey si Paris continue avec son arrogance. Ces jeunesses ne veulent plus du tout d’une quelconque assistance française. Tout au plus, on acceptera ce que la France fait actuellement en Ukraine : aider les Etats en leur fournissant des armes et de l’assistance technique si nécessaire. La présence des troupes françaises en Afrique est une injure à nos Etats. Elle les empêche au surplus de développer des capacités domestiques, en instaurant une vassalisation sécuritaire qui sert aujourd’hui d’argument au Sahel.
Répétons-le : si les troupes françaises restent encore jusqu’en 2024 à Niamey, c’est qu’il y a eu négociation pour leur départ.
Olivier ALLOCHÉMÈ