Je venais d’avoir mon Bac et j’étais sûr de la filière que je voulais. Mais en quittant Porto-Novo pour Calavi avec mon ami Bouraïma, nous avions marqué une escale chez Camille, à la Cité Vie Nouvelle d’Akpakpa. Quand Camille a entendu mon choix de filière, il m’a tout de suite dit ceci : « Ce n’est pas la peine. Tu passeras ta vie dans l’enseignement. Et l’enseignement ne donne rien. » Je me souviens encore de la réponse que je lui ai donnée : « C’est exactement ce que je veux faire. Moi, j’aime l’enseignement, c’est ma passion. » Camille qui était enseignant à l’époque, a passé son temps à m’expliquer que j’avais tort et qu’il fallait choisir une filière où je pouvais gagner beaucoup d’argent. J’ai choisi ma passion et méprisé l’argent. Et je vais le regretter plus tard.
Aujourd’hui, quand on me demande d’orienter un bachelier, la première question que je lui pose, est celle-ci : Qu’est-ce qui te passionne vraiment dans la vie ? Non pas que l’argent ne prime pas, mais je considère toujours que lorsqu’on n’est pas passionné par ce que l’on fait, tôt ou tard, on devient un poids pour l’institution dans laquelle l’on travaille. J’ai rencontré il y a quelque temps, un cadre de l’administration centrale des finances qui me disait à peu près ceci : « J’ai passé mon concours pour les impôts avec le niveau Bac. Jusqu’au moment où j’avais décidé de déposer le dossier, je n’avais jamais entendu parler des impôts. Jamais. C’est juste un soir que j’ai appris à la radio qu’il y avait un concours de niveau Bac et j’ai déposé mon dossier pour tenter ma chance. » Inutile de dire qu’aujourd’hui, il a gravi les échelons dans une administration réputée juteuse. Des cas de chance comme ceux-ci sont nombreux. Mais je ne saurais conseiller à quelqu’un de confier son avenir au hasard. J’ai un ami économiste qui l’est devenu par pur hasard et n’a pas du tout démérité dans son domaine. Au contraire, il fait partie des meilleurs aujourd’hui. L’appétit lui est venu en mangeant, d’autant plus qu’il a pris goût à un métier qu’il n’a connu réellement qu’une fois à l’université. Il faut aimer faire ce que l’on fait comme métier. Nous passons le plus clair de notre vie à travailler et il est inconcevable voire impossible de briller dans un domaine et de s’y épanouir sans l’aimer même un peu.
Donc la passion avant tout. A défaut de passion, tout au moins un peu d’amour pour le métier. Mais le revers de la passion, c’est qu’elle ne mène pas toujours au succès immédiat, encore moins à l’argent. La plupart du temps, le véritable succès ne vient qu’après un travail acharné et impitoyable. Lorsque l’on a un mentor et des objectifs mesurables assortis d’un chronogramme aussi précis que possible, il est rare d’échouer. Mieux, la discipline et la persévérance sont les maitres-mots de toute réussite. Discipline parce que rien de bon ne s’obtient quand on n’est pas capable de se fixer des limites et de les respecter. Rien de bon. Persévérance, parce qu’elle est la source indéniable de toutes les améliorations. Une anecdote. Un de mes amis a décroché la semaine dernière un job pour lequel il candidatait depuis au moins cinq ans. Il lui a fallu des années d’échec, avant que les recruteurs ne fassent attention à son CV. « A partir d’aujourd’hui, m’a-t-il dit, je n’aurai plus jamais faim. Toutes mes souffrances sont terminées ». Et effectivement, il est payé près d’un million de FCFA par mois, avec des conditions de travail à faire pâlir d’envie.
Pour être capable de discipline et de persévérance, il faut être capable d’aimer ce que l’on fait. Dans notre système éducatif où les conseillers en orientation scolaire n’existent pas, ce rôle revient aux parents. Mais ceux-ci projettent sur leurs progénitures leurs propres rêves. Et si les enfants n’acceptent pas leurs choix, bonjour l’affrontement.
Oui, il y a des passions qui ne mènent pas à la richesse. Le plus important, c’est l’épanouissement personnel. C’est pourquoi je ne conseille à personne de suivre sa passion comme choix d’étude, s’il n’est pas capable de discipline, de se trouver un mentor sérieux et surtout de se discipliner. Le temps et la chance feront leurs œuvres. Tôt ou tard.
Olivier Allochémè