J’ai connu les deux cas. L’un des ministres de l’actuel gouvernement du Bénin a proposé à son père de changer la petite maison familiale pour qu’elle ait un standing « ministériel ». Réaction du père qui n’a perdu aucune lucidité : « Merci fiston pour ta gratitude et je te bénis pour cela. Mais laisse-moi vivre ici, là où je vous ai tous élevés. Un poste ministériel, ça passe vite et je ne veux pas avoir à entretenir une maison qui sera au-dessus de mes moyens une fois que tu ne seras plus ministre». Et la maison est restée telle, malgré l’insistance de l’enfant. Mais, il y a cet autre cas. Des enfants élevés au style occidental par leurs parents qui ont tout investi sur eux. Mais quand leur mère est tombée malade d’un cancer, elle n’a vu aucun d’eux à son chevet à l’hôpital jusqu’à sa mort. Aucun d’eux. Ni la fille, ni les garçons. Chacun d’eux a pu trouver des prétextes pour ne jamais venir pendant près d’un an, avant que la pauvre dame ne parte définitivement. Depuis lors, je me pose une question : à quoi sert-il de se sacrifier pour les enfants ?
Il y a ceux qui attendent un retour sur investissement. Ils se disent qu’en donnant de notre mieux aujourd’hui pour leur offrir tout ce dont ils ont besoin, ils se rappelleront de nous dans nos vieux jours. C’est une attente légitime, compte tenu de ce que nous-même avons pu faire pour nos parents. Mais on oublie souvent que l’individualisme se développe à grands pas dans notre société. Une fois que l’enfant peut voler de ses propres ailes, il se soucie d’abord de sa petite famille, c’est-à-dire de son mari ou de sa femme et de ses enfants. Les parents n’interviennent qu’au second plan. Ils ne sont pas la priorité. Ceux qui priorisent leurs géniteurs sont rares, quand les impératifs de survie commencent à les harceler au quotidien. Il est vrai qu’en tant que croyants, beaucoup parleront de bénédiction parentale, de morale ou même de tradition. Dans nos sociétés qui s’occidentalisent à grands pas, ces mots se vident progressivement de leurs sens. Le pire, c’est lorsque les parents mènent une vie qui ne convient plus aux enfants. C’est le prétexte idéal pour les abandonner.
Il est vrai qu’en réalité avant qu’un enfant ne se réalise pleinement, c’est une chance si les parents sont encore en vie. Dans 90% des cas, le père est déjà parti. C’est lui qui a fait l’essentiel des sacrifices, mais il n’en bénéficie que rarement. Je ne parle pas des familles où la mère doit jouer tous les rôles.
Mais il y a ceux qui pensent qu’investir dans les enfants est d’abord une obligation pour laquelle il n’y a aucun retour sur investissement. Je suis de ceux-là. Il faut investir tout ce qu’on peut et surtout tout ce qu’on doit, en ne se souciant pas d’un quelconque retour sur investissement. L’investissement scolaire des parents est ce qui définit même notre rôle de parents. On est parents parce qu’on prend soin de ses enfants, pas parce qu’on en a fait à gauche et à droite. De ce fait, investir dans ses enfants, ce n’est pas comme acheter une parcelle pour la revendre plus tard. Ce n’est pas comme produire de l’huile de palme pour en attendre des bénéfices. C’est construire un être humain avec des objectifs qui vont au-delà de nous. On le fait pour l’enfant lui-même. Et surtout pour l’héritage qu’on doit lui laisser, à lui d’abord et à nos petits enfants après. Et cet héritage d’éducation est au-dessus des parcelles qu’on a accumulées ou des maisons locatives qu’on a pu construire.
L’idéal serait que l’enfant se souvienne de ses parents. Dans la plupart des cas, même s’il s’en rappelle, l’enfant n’a pas toujours les moyens de leur retourner l’ascenseur. Disons même le mot : tout parent fait face au devoir d’ingratitude de ses enfants. Ils doivent d’abord réaliser leurs rêves. Sinon, si la galère est leur lot quotidien, personne ne doit s’attendre à rien de leur part.
Il y a une conséquence à tout cela. Chacun doit faire son devoir, jouer son rôle en faisant le possible et surtout l’impossible, sans rien attendre en retour. Les enfants n’ont pas demandé à naître.
Ce disant, ceux qui ne s’occupent pas de leurs parents aujourd’hui ne devraient pas demander plus tard à leurs propres enfants de s’occuper d’eux dans leurs vieux jours. Après tout, les enfants voient et notent très bien comment leurs parents s’occupent de leurs grands-parents.
Olivier A.