Patrice Talon veut contrôler la démographie béninoise. Dans l’interview accordée à la chaine française LCI la semaine dernière, le chef de l’Etat a laissé entendre que l’explosion démographique fait partie des problèmes à résoudre. « Le taux de croissance de la démographie est trop élevé et en décalage avec nos capacités à investir dans les infrastructures d’éducation, de santé, la création d’emplois », a-t-il dit. Et d’ajouter : « Il faut impérativement contrôler ce taux de progression de la démographie, donc contrôler les naissances. » Pour être plus clair, Patrice Talon a précisé : « Il faut trouver les moyens d’inciter au contrôle des naissances et même trouver des moyens un peu coercitifs pour que l’explosion qu’on observe ne se poursuive pas, sinon l’Afrique se porterait très mal. »
En réalité, ce n’est pas la première fois que le Chef de l’Etat évoque le sujet. En août 2022, dans une interview accordée au journal français Le Figaro, Patrice Talon avait laissé entendre qu’il faut de « la pédagogie et des mesures incitatives » pour contrôler la croissance démographique trop forte à son goût. La taille d’une population et sa jeunesse peuvent être un atout, [mais] son augmentation trop rapide est un frein pour son développement [puisque] quand dans un pays, la demande en matière d’éducation, de santé et de l’emploi croît beaucoup trop vite que l’investissement et l’offre dans ces trois domaines, le pays s’appauvrit », avait-il justifié.
Et donc depuis l’année dernière, j’attendais lesdites « mesures incitatives » devenus « moyens coercitifs » en 2023. Elles pourraient intervenir dans les semaines ou les mois à venir. Ce qui est sûr, c’est que cette annonce intervient au moment où tous les pays qui ont pratiqué des politiques de limitation des naissances cherchent désormais à faire marche arrière. Un pays comme la Chine qui a appliqué la politique de l’enfant unique de 1979 à 2015, appelle désormais ses citoyens à faire jusqu’à trois enfants. Or, durant cette période, les parents ayant plus d’un enfant étaient sanctionnés, le gouvernement avait même ordonné des centaines de millions d’avortements forcés et de stérilisation des femmes. Je vous passe les infanticides, les dizaines de millions d’enfants cachés et restés sans papier d’identité ainsi que les abandons de bébés filles, les parents voulant coûte que coûte avoir de garçon…
Mais aujourd’hui, on atteint une stagnation démographique voire un net recul des naissances qui menace même l’avenir du pays. Et si la première puissance démographique mondiale en vient à manquer de bras et de cerveaux pour faire fonctionner son économie, c’est son existence même qui est menacée. La Chine est une puissance économique d’abord du fait de sa nombreuse population. Mais alors que le gouvernement chinois met en œuvre des mesures d’incitation à la natalité, ce sont maintenant les couples qui décident de ne plus faire d’enfants.
Le cas de la Chine n’est pas sans rappeler celui du Pérou qui entre 1996 et 2000, avait procédé à la stérilisation forcée d’environ 270 000 femmes et 22 000 hommes. Le gouvernement du président Alberto Fujimori avait estimé à l’époque que la cause principale de la pauvreté était la croissance démographique. Et sa solution était bien entendu le contrôle radical et sauvage des naissances.
Avoir moins d’enfants d’accord, mais cette politique n’est pas fiable à long terme. L’Allemagne et le Japon mettent désormais en œuvre des politiques d’incitation à l’immigration sélective pour recruter à l’étranger la main-d’œuvre qui fait cruellement défaut aux entreprises et aux administrations. Malgré toutes les politiques d’incitation à la naissance, ces pays enregistrent une baisse de la fécondité qui a des effets directs sur l’économie.
Que fera donc Patrice Talon ? Quelle sera son option ? L’option chinoise ou péruvienne ? Elle est tentante, voire inévitable : limiter les naissances à un certain nombre, sanctionner tout dépassement, stériliser de gré ou de force les femmes trop fécondes mais pauvres. En Chine, les enfants issus de ces dépassements n’avaient pas droit à la scolarisation encore moins à une carte d’identité. On privait leurs parents du droit au travail dans l’administration publique…Patrice Talon aura-t-il le courage d’aller jusque-là ? Et quand on sait que cette politique anti-nataliste n’est pas une affaire de trois ans, on se demande également quel autre président peut poursuivre cette œuvre.
Olivier Allochémè