Certains propriétaires terriens de Togbin sont en train de subir une situation malheureuse depuis plusieurs mois. Le gouvernement béninois est sur le point de leur arracher leurs parcelles qu’ils ont pourtant acquises légalement. Le domaine sur lequel se trouvent leurs terres est réintégré à l’espace réservé aux aménagements touristiques le long de la route des pêches. Il s’agit d’une portion de près de 20 hectares situés entre le carrefour Togbin Daho et l’école internationale de théâtre du Bénin (EITB).
Tout a commencé le mercredi 29 avril 2020. Ce jour-là, le gouvernement avait décidé, en Conseil des ministres, de redéfinir les périmètres de la zone à vocation touristique exclusive de la route des pêches. Ainsi, un décret a été adopté pour déclasser la zone allant du carrefour Fidjrossè plage jusqu’à l’école internationale de théâtre du Bénin. En effet, un décret datant de 2005 avait prévu un domaine de 15.853 hectares pour les aménagements touristiques le long de la route des pêches. Mais le gouvernement actuel s’est rendu compte que cette superficie est « largement supérieure à l’emprise du projet qui est de 3.712 hectares sur terre ferme ». Le Conseil des ministres a alors décidé de la correction des coordonnées géographiques du périmètre objet de la déclaration d’utilité publique. Ainsi, le décret Nº 16/2020/PR/SGG/CM/OJ/ORD portant Dégel et Déclassement de la zone allant du carrefour Fijrossè à l’école de théâtre ALOUGBIN DINE est alors adopté. À travers ce même décret, le gouvernement a également opté pour le dégel des demandes de titres fonciers relatifs aux parcelles situées dans la zone déclassée.
Cette décision que le gouvernement avait justifiée comme une mesure sociale avait encouragé nos compatriotes béninois résidents et ceux de la diaspora à acquérir des parcelles coûtant plus de 20 millions l’unité de 325 m². Certains se sont même mis à ériger des constructions en matériaux définitifs. Ils se sont aussi constitués en association de développement du quartier Togbin Zone 4 pour assister la mairie dans le cadre de l’ouverture des voies. C’est surtout le lieu de rappeler que la zone concernée se trouve dans l’arrondissement de Godomey, commune d’Abomey-Calavi. L’état des lieux y a été fait depuis 1995 et les travaux de lotissement ont suivi entre 2009 et 2013. C’est dire donc qu’il s’agit d’une zone lotie avec plusieurs titres fonciers déjà. C’est justement pour cette raison que les occupants se sont cotisé 10 millions de francs CFA pour contribuer à l’ouverture des voies et l’implantation des voiries opérées par la mairie d’Abomey-Calavi en août 2021.
Mais contre toute attente, le gouvernement revient sur sa décision, le mercredi 17 novembre 2021. En Conseil des ministres, le Chef de l’État prend un autre décret pour redéfinir le périmètre de développement de la zone touristique de la route des pêches. Pour justifier ce rétropédalage, le gouvernement argue de ceci : « Avec l’évolution des études qui visent le renforcement des équipements prévus dans ledit projet, il est apparu judicieux de réintégrer la portion comprise entre le carrefour dit Togbin Daho et ladite école de théâtre ». Depuis, les propriétaires et acquéreurs de parcelles de cette zone ont mené de multiples actions à l’endroit des autorités, mais elles sont restées vaines. Ils ont même adressé au Président de la République une lettre de demande d’audience qui est restée sans suite depuis le 25 novembre 2021.
Il saute aux yeux que le gouvernement semble cette fois-ci déterminé à ranger sa volonté de faire du social pour mettre les populations de Togbin à la rue. Ces derniers subissent toutes les formes de harcèlement de la part du pouvoir en place. La situation s’est aggravée depuis le 24 février 2023 où des engins Caterpillar de la société SIMAU sont déployés sur les parcelles et arrachent les bornes. Cerise sur le gâteau, des courriers ont été transmis aux propriétaires ayant déjà construit en matériaux définitifs pour leur demander de quitter leurs maisons dans un délai de deux mois au plus tard afin qu’elles soient démolies.
Il faut rappeler que lors d’une séance avec les cadres du ministre du Cadre de vie, la société SIMAU a declaré aux propriétaires terriens qui ont acquis leurs parcelles après le décret du 29 avril 2020, que l’État compte remorceler la zone en parcelles de 1200 m² qu’il revendra à des étrangers et potentiels investisseurs. Des Béninois qui paient leurs parcelles à plus de 20 millions l’unité, sur autorisation du Président de la République ( décret 2020 ), peuvent aujourd’hui se les faire arracher sans qu’ils ne puissent rien faire car les proches du gouvernement de Patrice Talon en ont décidé ainsi ! Quand on y pense, cela fait froid dans le dos. Voilà ce qu’est devenu aujourd’hui notre République du Bénin ! Paradoxalement, Wilfried Léandre Houngbedji, Secrétaire Général Adjoint, Porte-parole du Gouvernement, le Directeur des pensions et d’autres proches du pouvoir qui résident dans la même zone sont épargnés par ce déguerpissement.
Plusieurs personnes ont déjà consenti de lourds investissements sur leurs parcelles avec des constructions onéreuses. D’autres sont des compatriotes résidant à l’étranger qui ont envoyé toutes leurs économies pour acheter et construire leurs parcelles dans la zone. Que deviendront-ils ? Où iront vivre toutes ces personnes ? Malheureusement, comme dans pareilles circonstances, certains propriétaires, à l’annonce de la mauvaise nouvelle, ont fait des crises. Quelqu’un a même été victime d’un AVC.
Nous exhortons le président Patrice Talon à reconsidérer sa décision en pensant à l’avenir de ces centaines de familles qui risquent de se retrouver à la rue. Le rôle de l’État est de protéger ses citoyens et non les dépouiller et les rendre vulnérables. Si rien n’est fait, c’est un grave contentieux domanial qui naîtra de cette affaire d’expropriation forcée.
Comlan Hugues Sossoukpè