Image d’une jeune fille souffrant de douleurs causées par les menstrues
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La ménarche, la première période de menstruations, est un moment essentiel dans la vie d’une fille. Une étape qui passe de l’enfance à l’adolescence. En Afrique, plusieurs filles vivent ces moments avec beaucoup d’ignorance ou peu d’informations fiables sur la période de menstruations. Selon le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) 66% des jeunes filles n’ont pas la bonne information en ce qui concerne la gestion des menstrues. Ce qui n’est pas sans conséquence sur leur bien-être et cursus scolaire. Le manque d’infrastructures sanitaires appropriées pour permettre aux filles en menstrues de pouvoir faire leurs toilettes et mettre une serviette hygiénique est également une raison qui les pousse à manquer les cours. Il importe que les autorités prennent des mesures pour changer la donne.
Elles n’ont l’air de rien et ne peuvent être citées en aucun cas comme cause de la déscolarisation des jeunes filles. Lorsqu’on s’y intéresse, la problématique de la menstruation des filles et femmes mérite une attention particulière au regard des perturbations qu’elle crée. Raison pour laquelle, les menstruations doivent être aujourd’hui traitées avec une approche basée sur les droits sexuels et reproductifs. Elles doivent être aussi suivies selon une méthode basée sur la santé, des informations adaptées et fiables, à travers une éducation appropriée.
Une étude non exhaustive réalisée dans le Bénin méridional en 2017 par la Fondation Claudine Talon révèle que plus de 15% des écolières disent manquer les cours pendant leurs règles. Parmi elles, 69% attribuent ces absences aux douleurs menstruelles et autres raisons sociales. Un micro trottoir réalisé dans quelques écoles primaires publiques de Cotonou et Parakou montre que si les menstruations sont un processus biologique dans de nombreux pays, elles sont considérées comme un tabou sous nos cieux. A défaut d’informations, de protection, d’hygiène et d’assainissement, le bien-être et la santé des filles et femmes sont souvent mis à mal.
Le stress et le calvaire vécus par les filles
Avoir ses règles pour une fille n’a rien d’anormal. Il est bon de parler des menstruations assez tôt aux filles. De nos jours, elles peuvent être menstruées de façon précoce à l’âge de huit ans et à 15 ans quand elles viennent tard. Si les filles sont mieux préparées à la chose, elles vivront beaucoup mieux l’expérience. Ce qui n’est pas souvent pas le cas. Car en Afrique et au Bénin, parler des menstrues demeure un sujet tabou. Les filles payent souvent le prix. Sans ambages, nombres d’entre elles nous relatent le calvaire qu’elles vivent lorsqu’elles sont en menstrues. Anita parle de son expérience et fustige les moqueries dont elles sont souvent victimes.
« Les filles sont souvent victimes des moqueries venant des camarades garçons qui chantent partout que nous urinons du sang et que c’est une maladie contagieuse ».
Parfois, des filles se font sortir de la classe pour indiscipline car ne pouvant par expliquer à leur enseignant qu’elles sont en menstrues et n’obtempèrent pas aux ordres des enseignants. Le témoignage d’une fille d’un collège de Parakou en dit long.
“J’étais en classe quand j’ai été surprise de voir mes menstrues venir. Le professeur m’a désigné pour expliquer quelque chose aux camarades. Je lui ai dit que je ne pouvais pas me lever. Il m’a sorti de la classe pour manque de respect et je suis rentrée à la maison. Il a demandé ensuite aux camarades de prendre une feuille pour une interrogation”. Ce sont entre autres difficultés rencontrées par les filles dans nos écoles et collèges lorsqu’elles son en menstrues.
Le manque d’infrastructures sanitaires adéquates un autre souci
Aujourd’hui certaines filles en deuxième année de cours moyen ont déjà des menstrues. Ces dernières ont du mal à se changer et retourner en salle car les toilettes construites dans les écoles ne sont pas appropriées. “A l’école l’état des toilettes ne me permet pas de bien me nettoyer », confirme une écolière en deuxième année de cours moyen. Cet état de chose pousse les filles à rester au moins 4 jours à la maison. Soit une semaine tous les mois en pleine année scolaire. Conséquence : mauvais résultat scolaire en fin d’année puis interruption de la scolarité » explique Joséphine Dakossi, Directrice de l’école primaire publique de Sounon Bouro dans le village de Komiguéa dans la commune de N’Dali au Nord-Bénin. Le consortium des organisations de la société civile travaillant sur la question, appelle à plus d’actions et d’engagements. Ziadath Achimi est la présidente de ECEau-Fem, une association de femmes pour la promotion du genre, la protection de l’environnement, l’accès à l’eau, l’hygiène et l’assainissement. Elle plaide pour que des actions en directions des filles et des femmes. « Il serait juste de construire des toilettes adéquates dans les écoles et collèges afin de permettre aux filles de se nettoyer et mettre leurs serviettes hygiéniques pour pouvoir retourner au cours ensuite. Il est temps d’agir pour ne laisser personne de côté. Ensemble assurons l’accès à l’eau et aux infrastructures sanitaires pour toutes les filles et femmes, les moyens de réaliser leur plein potentiel ».
Les besoins des filles et femmes liés à la menstruation : un Droit Sexuel et Reproductif
L’Etat béninois, les partenaires techniques et financiers et les organisations de la société civile en sont conscientes et s’y attèlent mais l’objectif n’est pas encore atteint. Fébronie Codja, Présidente de l’ONG MAFUBO BENIN renchérit. « Il faudra donc que les besoins spécifiques des filles et des femmes liés à la menstruation soient connus par les décideurs. Nos cycles doivent être pris en compte dans les politiques de développement ». 70% de jeunes filles ont déjà fait leurs menstrues de façon surprenante. Leur environnement social n’a jamais été attentif ni favorable par rapport à ce fait. La santé et l’hygiène menstruelle sont des questions de droits, de dignité et de sécurité ajoute Cécile Yougbaré, référente plaidoyer Santé et Droits Sexuels et Reproductifs Afrique.
« Si on est dans le cas du milieu scolaire ou estudiantin, il est important que non seulement l’enfant ait l’information nécessaire mais le service approprié. Donc l’information nécessaire c’est d’être suffisamment prévenu et convaincu que l’arrivée des menstrues est quelque chose de normal. Et avoir la capacité de choisir le matériel approprié et que s’y on est à l’école on puisse avoir un cadre adéquat pour changer ses serviettes hygiéniques de manière discrète à l’abri du regard des autres. Si par mégarde, il arrivait qu’on se retrouve tacher, qu’on puisse se rendre propre et quand on a des douleurs au bas ventre à l’école, qu’on puisse avoir un système médical ou si quelques enseignants ont été formés à cela qu’ils puissent accompagner l’adolescente ».
Des exemples qui peuvent faire taches d’huile
Dans certains collèges et écoles primaires du Bénin, quelques associations de jeunes œuvrant pour la promotion des Droits en Santé Sexuelle et Reproductive et personnes physiques montrent l’exemple. Elles sensibilisent les adolescents et les jeunes sur la gestion de l’hygiène menstruelle. C’est le cas de Joséphine Dakossi directrice de l’école primaire publique de Sounon Bouro à Komiguéa. L’éducatrice veut lutter contre le décrochage scolaire des filles dans le village.
Une fois par semaine, l’enseignante rassemble toutes les filles des classes de première et deuxième année du cours moyen pour une causerie. Le sujet des échanges est relatif à la gestion de l’hygiène menstruelle. Elle veut réduire le nombre de filles qui s’absentent de l’école en raison de la venue de leurs menstrues. Le but est de permettre aux filles d’être présentes 5 jours sur 5 à l’école.
Un dicton répandu dans le Nord du Bénin affirme « pour l’arrivée de ses premières règles, une fille doit être chez ses parents. Pour ses deuxièmes règles, elle doit habiter chez son mari ». C’est dire qu’une fille peut être déjà donnée en mariage dès qu’elle commence déjà par avoir ses premières règles. C’est pourquoi Joséphine Dakossi a décidé d’agir. L’éducatrice informe périodiquement les filles sur l’essentiel à savoir du cycle menstruel. Elle aborde aussi le calcul du cycle menstruel de la femme et l’entretien des serviettes hygiéniques avec les écolières. La directrice ne manque pas de solliciter par moment, les mamans des filles. L’objectif est de leur expliquer qu’il est important d’assister leurs enfants à gérer de façon sereine cette étape importante de leur vie.
Mieux informer les filles sur les sujets de menstruations et les doter d’un cadre adéquat pour la gestion cette étape importante de leur vie surtout dans les écoles, collèges et universités, c’est contribuer à l’atteinte de l’objectif de développement 3. Autrement dit, c’est permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge. C’est également garantir aux filles et aux femmes l’accès à des services d’alimentation en eau et d’assainissement de façon durable. C’est également réduire les inégalités entre les sexes et lutter contre le décrochage scolaire des filles.
DANTON S. Franck D.